Iran. Après des années de labeur, Iman obtient enfin une promotion. Il devient enquêteur au tribunal révolutionnaire de Téhéran. Malheureusement, cette promotion intervient au moment où début un important mouvement de révolte au sein de la population étudiante. Bien que perturbé par ce que son poste exige de lui, il se conforme aux règles. A la maison, ses filles, Rezvan et Sana, soutiennent cette cause qui les touchent, tandis que Najmeh, sa femme, tente de contenter tout le monde. Pourtant, la vie paisible de cette famille est bouleversée le jour où l’arme de service d’Iman disparait.

Les graines du figuier sauvage : affiche

Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof (Un homme intègre et Le diable n’existe pas) est à la fois un drame et un thriller dans lequel tout le monde a quelque-chose à cacher. Et cette suspicion ne cesse de grandir, jusqu’à empoisonner les relations de cette famille tranquille. Dès lors, plus rien ne sera jamais comme avant.

La vie paisible d’une famille tranquille

Iman est un homme de principe qui a toujours suivi sa conscience. Il travaille en respectant les lois et ne veut pas s’en éloigner. Il est donc comblé quand il apprend qu’il est enfin promu au poste d’enquêteur au tribunal révolutionnaire de Téhéran, avant, peut-être, d’être nommé juge. Ce qui signifie nouvelles responsabilités, et surtout, nouveau logement, ce qui met sa femme Najmeh en joie. Ses filles, étudiante et lycéenne, vont enfin pouvoir disposer de leur propre chambre. La petite famille est donc aux anges. Et c’est à l’occasion d’un repas au restaurant que Rezvan et Sana apprennent enfin le métier de leur père. Leur vie va être bouleversée. Elles devront cesser de poster sur les réseaux sociaux, se comporter convenablement en public ou encore faire attention à leurs relations amicales.

Un grain de sable dans la mécanique

Malheureusement, la vie heureuse de la famille se fissure lors de l’apparition des premières manifestations populaires. Très vite, Rezvan et Sana prennent parti pour les manifestants au grand damne de leur mère qui tente de les en éloigner. Car elles se trouvent en porte-à-faux avec leur père, dont le métier est justement de juger ces jeunes gens. Iman, autrefois homme juste, doit désormais se confronter aux ordres du parti iranien. Il doit renier ses principes s’il veut conserver son poste et condamner des personnes à mort sur ordre du procureur. On sent que cette situation lui pèse de plus en plus, allant jusqu’à modifier sa personnalité et son comportement. Il s’éloigne de sa famille, avec laquelle il ne communique plus. Seule sa femme lui apporte toujours un soutien et une écoute indéfectibles.

Les Graines du figuier sauvage : Photo
© Pyramide Distribution

La Trahison

Les graines du figuier sauvage est un film où la tension va crescendo. Et elle atteint son paroxysme avec la disparition de l’arme de service d’Iman. En effet, lorsqu’il a pris son poste, on lui a confié une arme pour sa protection et celle de sa famille. Or, un beau matin, en se préparant pour aller au travail, impossible de mettre la main sur le pistolet. Cette disparition va entrainer la destruction de la famille et des relations entre les membres. Pourtant, je m’interroge. Quel est véritablement le point 0 ? Quel événement a véritablement causé la rupture au sein de la famille ? Le nouveau poste d’Iman ? L’annonce de ce nouveau poste ? Les manifestations populaires ? La blessure de l’amie de Rezvan ? La fermeté de Najmeh vis-à-vis de ses filles ? La question se pose. Chacun réagit différemment à la disparition de cette arme et révèle son vrai visage. Les filles se rebellent, la mère durcit le ton et le père s’éloigne.

Les Graines du figuier sauvage : Photo
© Pyramide Distribution

Les graines du figuier sauvage

Une fois les graines de la discorde plantées, on comprend rapidement qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Les actions de chacun des membres de la famille sont si extrêmes, qu’ils ne pourront jamais pardonner. Mohammad Rasoulof effectue un travail formidable, nous entrainant entre faux-semblants et non-dits. Tout au long du film, on s’interroge. Comment cette famille a-t-elle pu basculer aussi rapidement ? Tout se déroule en effet en seulement 15 jours. Une famille peut-elle vraiment se briser aussi rapidement ? Est-ce que cela signifie que ses fondations étaient fragiles ? Les relations, autrefois claires, deviennent plus floues. Qui croire ? Iman peut-il toujours faire confiance à sa femme qui prend de plus en plus le pari de ses filles ?

Un huis-clos étouffant

Les graines du figuier sauvage met en parallèle les revendications des manifestants iraniens soutenues par les filles, que le réalisateur illustre avec de véritables images tirés des réseaux sociaux, à Iman et à son travail. Les premiers veulent plus de liberté et de libre arbitre alors que le second milite pour une Iran religieuse stricte. Il apparait évident que ces deux concepts ne peuvent pas cohabiter et que la confrontation est inévitable. Car aucun des deux partis ne veut céder. Filmé en cachette comme beaucoup de films iraniens qui souhaitent éviter la censure, Les graines du figuier sauvage donne un sentiment d’urgence. Le passage des bureaux d’Iman à l’appartement familial fait en effet monter la tension à mesure que la situation (familiale et politique) empire. Mohammad Rasoulof dénonce une situation politique explosive, avec un final qui peut interloquer, mais qui fait sens pour moi.

Gros gros gros coup de cœur pour ce film politique iranien distribué par Pyramide Films, qui confirme la qualité de son cinéma lorsqu’il est hors de contrôle du régime. Ce film, choit par l’Allemagne dans le cadre de la sélection du Meilleur film étranger aux Oscars, mérite amplement son Prix spécial du Jury délivré lors du Festival de Cannes.

Si Les graines du figuier sauvage vous a plus, je vous conseille de regarder aussi Le pardon, 7 hivers à Téhéran ou Chroniques de Téhéran.

Bande-annonce

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