En 2007, Reyhaneh Jabbari, 19 ans, menait une vie des plus tranquilles en Iran. Jusqu’au jour où elle poignarde l’homme qui tente de la violer. Pour la justice, il n’y a aucun doute, elle est coupable. Le tribunal la condamne à mort. Sept hivers à Téhéran retrace le parcours de sa famille pour la faire libérer.
Il est très dur de trouver les bons mots pour raconter le documentaire Sept hivers à Téhéran. Touchant, poignant, injuste, effroyable…Comment rendre justice à cette jeune femme et à sa famille dans un combat contre une justice qui semble déjà avoir pris sa décision ? Les images d’archive personnelles, les interviews et le témoignage de Reyhaneh depuis la prison ne font qu’effleurer l’injustice dont la jeune femme est victime.
Une vie bouleversée en un instant
Alors âgée de 19 ans, Reyhaneh est contactée par un homme qui veut transformer un local en cabinet médical. Jeune décoratrice d’intérieur pleine d’ambition, elle accepte de retrouver l’homme. Mais une fois sur place, rien ne se déroule comme prévu et l’homme tente de l’agresser. En état de légitime défense, elle se défend en le poignardant avec un couteau. Malheureusement, l’homme meurt sous les coups. C’est alors que la machine judiciaire, ou plutôt religieuse et politique, se met en marche, écrabouillant la jeune femme dans ses rouages. Car l’homme tué n’est pas n’importe qui. C’est un notable qui a des liens avec les Services Secrets iraniens. Petit à petit, on comprend que le gouvernement ne peut accepter la mort de cet homme et que les dés sont pipés. Elle n’a presque aucune chance de s’en sortir.
Plus Reyhaneh essaye de s’explique, moins l’enquêteur la croit. Avertis, les parents de la jeune femme tentent de la voir pendant des mois, sans succès. Mais sous la pression de la mère, les autorités semblent céder et ils peuvent enfin rencontrer leur fille. Au fil des investigations, la famille Jabbari réalise que l’affaire est politisée en raison de l’histoire de l’homme.
Un procès de mascarade et une mascarade de procès
Régulièrement torturée, tout est fait pour la briser mentalement et physiquement. Mais elle tient le coup. Elle n’avoue rien et reste fidèle à sa parole. La description du procès est particulièrement difficile à entendre en raison des remarques faites à la jeune femme. C’est une véritable mascarade : des preuves sont ignorées et des faits négligés. Pour résumé, le juge lui dit qu’elle aurait dû laisser son agresseur la violer et ensuite porter plainte. Et puis, comment a-t-elle osé se retrouver seule avec un homme ? Elle n’est pas une femme respectable, elle doit donc mentir. Le juge compare également les deux familles. La famille de la victime est une bonne famille, les femmes portent le tchador et le fils aîné la barbe. Au contraire, la famille Jabbari est bien trop occidentalisée à son goût. Reyhaneh est désabusée. En Iran, une femme est coupable quand elle se fait violer mais également lorsqu’elle cherche à se défendre. Une femme ne peut donc pas gagner selon la loi iranienne. Et elle n’a pas tort lorsque le verdict tombe : elle est jugée coupable et condamnée à mort par pendaison.
Un combat pour la vie
Néanmoins, il lui reste une chance de s’en sortir. Il faut pour cela que la famille de la victime lui accorde son pardon, rendant ainsi caduc la loi du Talion, une vie pour une vie. C’est un principe archaïque et Ô combien dangereux, car c’est la famille de la victime qui prend la décision finale. Dés lors, c’est une question de vengeance, pas de justice. Dès lors, Shole Pakravan, la mère de Reyhaneh, va tout faire pour sauver la vie de sa fille. Durant 7 années, elle va se battre pour avertir la communauté internationale. Pendant 7 années, elle va se battre contre les autorités iraniennes. Pendant sept hivers à Téhéran, Shole Pakravan va même aller jusqu’à essayer de nouer des liens avec le fils de la victime afin qu’il accorde le pardon à sa fille. Ce dernier est hésitant, il fait des demandes, et puis d’autres. Il veut surtout qu’elle admette que le viol n’était qu’un mensonge et que son père n’a jamais rien fait. Pur lui, c’est une question d’honneur. Il veut laver l’honneur de son père décédé et de sa famille.
Une femme de poigne et d’honneur
Sept hivers à Téhéran alterne entre images d’archives personnelles, interviews et vidéos secrètement filmées, notamment de bâtiments officiels. Nous faisons ainsi connaissance avec l’avocat de Reyhaneh, certaines de ses anciennes codétenues, le père, la mère ainsi que ses petites sœurs. Mais surtout, nous écoutons le témoignage de la jeune femme. Avec sa propre voix et ses propres mots. Depuis sa prison, Reyhaneh refuse de répondre positivement aux attentes de sa mère, elle ne cède pas malgré les supplications de cette dernière. Tout ce qui lui reste, c’est son honneur et sa dignité et elle se battra pour les conserver. Peu importe les conséquences. Plus le temps passe, plus la jeune femme semble se faire à sa situation. Âgée de 26 ans, elle s’est recréée une nouvelle vie en prison, avec des codétenues comme famille de substitution. Interviewées, ces dernières parlent toutes positivement de la jeune femme, qui a exercé une grande influence dans leur vie derrière les barreaux.
J’ai été extrêmement touchée par ce documentaire qui met en lumière la condition des femmes en Iran et le mépris auquel elles doivent faire face lorsqu’elles se retrouvent dans une situation où elles sont des victimes. Elles n’ont aucun droit. Le pouvoir en place va même jusqu’à considérer leur existence comme une faveur. Comment osent-elles demander plus de droits ?
Si Sept hivers à Téhéran vous a intéressé, je vous conseille de regarder les documentaires Sonita et Pour Soma ainsi que le dessin animé Persepolis.
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