En novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey quittent le Musée du Quai-Branly – Jacques Chirac pour rejoindre leur terre d’origine, le Bénin. Pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892, elles sont de retour à la maison. Mais le débat fait rage. Comment se réapproprier ces œuvres qui ont disparu pendant près d’un siècle ? Les étudiants de l’université d’Abomey Calavi mènent le débat.

Dahomey : affiche

Dahomey est un gros coup de cœur. Ce documentaire de Mati Diop, sélectionné pour représenter le Sénégal aux Oscars 2025, pose de nombreuses questions très pertinentes sur les œuvres éparpillées dans les musées du monde entier. Doit-on retourner les œuvres qui ont été acquises pour certaines dans des conditions douteuses, ou doivent-elles rester dans les pays qui les possèdent afin de bénéficier d’un maximum d’exposition ?

Un regard inédit sur l’art

Dahomey est un documentaire qui fait mouche tant par son contenu que par sa forme. En effet, tout au long du documentaire, nous entendons la voix déformée d’une œuvre qui nous raconte ce qu’elle ressent, entre sa vie en Europe et son retour au Bénin. Elle est en Europe depuis si longtemps qu’elle ne se souvient plus de son nom d’origine. Alors elle se surnomme « 26 », comme les employés du Musée du Quai-Branly – Jacques Chirac l’appelle. Au début du documentaire, nous voyons donc la situation du point de vue de 26.

Le retour au Bénin, ancien Royaume de Dahomey

Après l’annonce du Président Macron en 2018, tout s’est accéléré, jusqu’au rapatriement des œuvres, en novembre 2021. De retour au Bénin, le Trésor du roi Béhanzin a été déballé, désormais sous la charge du gouvernement béninois de Patrice Talon. Ce dernier à mis les petits plats dans les grands pour fêter triomphalement le retour ce ces artéfacts disparus pendant si longtemps. A l’inauguration, tous les chefs de tribus et dirigeants locaux ont fait le déplacement pour admirer ces statues et autres trônes, vestiges historiques d’importance. Entre février et août 2022, les visiteurs pouvaient ainsi visiter l’exposition « Art du Bénin, d’hier et d’aujourd’hui : De la restitution à la révélation » au Palais de la Marina, résidence officielle du Président de la République du Bénin.

Dahomey

L’histoire du Trésor du roi Béhanzin

Avant le Bénin, il y avait le royaume du Dahomey aux XVIIIème et XIXème siècles, installé dans l’actuel sud du pays. Le 17 novembre 1892 dans la ville d’Abomey, Béhanzin, roi de la capitale de l’ancien royaume du Dahomey, rejette l’offre des troupes coloniales françaises de se soumettre. Capturé après s’être enfui, il mourra en exil. A leur arrivée en ville, les soldats du colonel Alfred Dodds saccagent tout et s’emparent des 26 objets royaux qu’ils rapportent à Paris. De retour dans la capitale française, Alfred Amédée Dodds fait don de son butin de guerre au Musée d’Ethnographie du Trocadéro, futur Musée de l’Homme. Le trésor se compose de pièces globalement en bon état, des statues royales, des portes en bois, des trônes royaux ou encore des sceptres royaux.

Quelle suite pour le trésor au Bénin ?

Le principal intérêt du film réside dans les interrogations des Béninois. Que faire de ce trésor ? Pour tenter de répondre à cette question, Mati Diop a posé sa caméra dans l’enceinte de l’Université d’Abomey Calavi, afin de suivre le débat des étudiants. Les avis sont très partagés et on sent que qu’il n’y a pas de réponse(s) évidente(s). Pour certains, ce retour n’est que de l’esbroufe, de la poudre aux yeux lancée par les politiciens français et béninois pour des motifs politiques et électoraux. Pour d’autres, c’est un cache-misère afin de ne pas parler des milliers d’autres pièces qui se trouvent toujours dans les musées occidentaux. D’autres encore se réjouissent du retour des pièces car les Béninois vont enfin pouvoir commencer à s’approprier/se réapproprier leur histoire avec leurs propres mots. Malgré leurs différents, tous sont d’accord sur un point : ce trésor ne sert à rien si on ne les étudie pas. Le gouvernement doit donc proposer et créer les conditions nécessaires pour que tous les Béninois puissent admirer et découvrir ces pièces uniques.

Dahomey
© Les Films du Losange

La question de la restitution

Dahomey est un documentaire nécessaire sur la question de la restitution des œuvres obtenues dans des condition douteuses. Je me souviens avoir visité le Musée des antiquités égyptiennes de Turin, un site magnifique, mais m’être interrogé sur les conditions d’arrivée de telles pièces en Europe. Personne n’arrivera jamais à me faire croire que les autorités égyptiennes aient pu accepter de laisser partir de telles pièces. Alors que les demandes de restitution augmentent, à l’image de la Grèce qui souhaite la restitution des frises du Parthénon présentées au British Museum de Londres, les questions deviennent de plus en plus pressantes et embarrassantes pour l’Occident. Comment en effet justifier un refus de rendre des œuvres qui n’appartiennent pas du tout à leur histoire et qui ont été obtenues lors de périodes historiques compliquées (guerres, colonisation…) ?

Quel futur pour le trésor ?

Ce que beaucoup craignaient s’est finalement réalisé. Au moment d’écrire ces mots, les œuvres ne sont plus exposées dans leur ensemble. Les pièces les plus contemporaines voyageront du Maroc à la Martinique, avant un retour en France en novembre, à la Conciergerie, à Paris. Quant aux trésors royaux, ils ont été remballés et sont prêts à être envoyés vers leur destination finale, le nouveau musée d’Abomey, situé à environ 130 kilomètres au nord de Cotonou.

J’ai vraiment aimé le débat que lance Dahomey, distribué par Les films du losange, qui place les politiques et les dirigeants de musées devant leurs responsabilités.

Si vous avez aimé Dahomey, je vous conseille de regarde The Woman King, Monument Men ou La femme au tableau.

Bande-annonce

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