Julia est une jeune soudanaise du Sud dont le mari a brusquement disparu. Démunie, elle tente de survivre tant bien que mal avec son fils. Elle fait la connaissance de Mona, une riche soudanaise du Nord dont le mari tient une menuiserie. Lorsque les deux femmes se font connaissance, une amitié inattendue se développent entre elles. Mais cette rencontre est-elle vraiment fortuite ?

Goodbye Julia est un excellent film de Mohamed Kordofani qui se déroule au Soudan lorsque les tensions deviennent de plus en plus violentes entre les musulmans et les chrétiennes. Le pays est à la veille de sa rupture et chaque camp se replie sur soi. L’amitié naissance entre ces deux femmes que tout oppose est donc l’exact opposé de la situation dans le pays.

Nous faisons la connaissance de Mona et de son mari Akram, un couple bourgeois musulman. Elle est femme au foyer et lui possède une menuiserie. C’est un couple aisé comme les autres dans le Nord du Soudan. En parallèle, nous découvrons Julia, une catholique qui se bat pour survivre avec son fils depuis la mystérieuse disparition de son mari. Alors qu’elle le cherche partout, elle tombe sur Mona qui l’embauche comme domestique. C’est le début d’une étrange amitié qui va s’étendre sur plusieurs années, entre secrets et non-dits.

Le conflit soudanais

L’histoire commence le 30 juillet 2005, avec l’annonce de la mort du leader des chrétiens du Sud, John Garang. Cet accident d’hélicoptère est catastrophique car il complique une situation déjà sensible. Il remet en effet en question un plan de paix signé quelques mois auparavant entre l’APLS (Armée populaire de libération du Soudan, les rebelles sudistes) et le pouvoir de Khartoum. La signature de cet accord devait mettre fin à près de vingt ans de guerre civile entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, où vivent principalement des catholiques. Pour régler le problème, un référendum d’autodétermination va prendre place quelques années plus tard, en 2011. Les tensions entre musulmans et catholiques sont donc très fortes au début du film et la moindre étincelle peut conduire à de graves incidents.

Deux femmes que tout oppose

On ne peut pas faire plus différent que Mona et Julia. La première est arabe, musulmane, bourgeoise et femme au foyer. Elle passe ses journées à tenir sa maison et à s’occuper de son mari. La seconde est noire, catholique, pauvre et mère de famille. Pendant que son mari travaille dans un studio photo, elle s’occupe de leur fils. Leur rencontre, et l’amitié qui s’ensuit, est l’un des fils rouges de Goodbye Julia. Alors que la situation s’aggrave dans le pays, ces deux femmes sont déterminées à survivre. Mona essaye de tomber enceinte et trouve une amie en Julia, pendant que celle-ci cherche son mari et devient sa domestique. Pourtant les deux n’ont pas une relation employeur/employée. Elles passent du temps ensemble, et non seulement Mona leur offre le gîte, mais elle paye également les études de Daniel, le fils de Julia. Que cache tant de générosité ?

Goodbye Julia : Siran Riak, Eiman Yousif
© STATION FILMS

Un pays, deux peuples

Mohamed Kordofani décrit les Soudanais du Nord, les musulmans, comme ayant une très haute opinion d’eux-mêmes. Ils considèrent les Soudanais du Sud comme inférieurs. A plusieurs reprises, Akram traite ainsi Julia d’esclave ou d’animal dont le travail est de les servir. Il ne comprend donc pas pourquoi sa femme veut se lier d’amitié avec une telle femme et pourquoi elle ne se cherche pas une amie d’un statut social similaire. Pourtant Akram s’entend très bien avec Daniel, le fils de Julia, avec lequel il passe beaucoup de temps dans son atelier, à faire de la menuiserie. Le film se déroule sur plusieurs années, de la mort de John Garang à la tenue du référendum d’auto-détermination. Le petit Daniel, qui avait 6 ans au début du film, va désormais dans une école privée où étudient majoritairement des musulmans. Malgré tous les efforts de Mona pour faciliter son intégration, il est harcelé par les autres élèves car c’est un noir catholique. Son ressentiment ne cesse donc de grandir. C’est un adolescent qui a perdu son père et qui est harcelé par des musulmans. La générosité de Mona laisse ainsi des marques qui blessent le jeune garçon.

Une vie en pleine évolution

Plus le film avance, plus la bienveillance de Mona interroge. Que veut-elle réellement ? Que cherche-telle à prouver ? Que les Soudanais du nord et du Sud peuvent cohabiter ? Qu’une amitié entre les deux est possible ? Ou cherche-t-elle tout simplement à combler le vide de son existence ? Ancienne chanteuse à succès, elle a en effet renoncé au chant pour son mari, qui refusait de voir sa femme pratiquer cette activité déshonorante. Elle erre donc comme une âme en peine, allant assister à des concerts dans des bars en cachette. En Julia, elle trouve une alliée qui la couvre lorsqu’elles vont écoute de la musique. D’abord simple femme au foyer, Mona trouve un but dans sa vie : elle va s’occuper de Daniel et Julia. Elle est beaucoup plus souriante, espiègle et pleine de vie. Quant à Julia, elle a pris de l’assurance. Toujours employée de maison, elle étudie également à l’université. Elle aussi sourit beaucoup plus, même si elle n’a jamais pu oublier Santino, son mari disparu.J’aime beaucoup le fait qu’elle porte des pagnes de plus en plus beaux et élégants. Les deux femmes évoluent en parallèle, chacune à leur façon.

Goodbye Julia : Siran Riak, Eiman Yousif
© STATION FILMS

De très bons acteurs

Goodbye Julia est le premier film soudanais présenté au Festival de Cannes, où il a reçu le prix de la Liberté dans la section Un Certain Regard. Siran Riak (Julia) et Mona (Eiman Yousif) sont le cœur et au cœur de ce film. Elles partagent une merveilleuse alchimie qui rend leur relation parfaitement crédible. Elle se soutiennent l’une et l’autre et sont complémentaires. Nazar Goma, qui interprète Akram, est formidable en homme rigide. Sa vie est régie par des principes et des convictions auquel il refuse de déroger. Quant à Daniel, il est joué par deux acteurs, Louis Daniel Ding quand il est enfant et Stephanos James Peter quand il est adolescent. Les deux font un très bon travail. Tout le casting forme un excellent ensemble, qui fait la force de Goodbye Julia.

J’ai adoré ce film, qui met en lumière un conflit qui ne fait plus trop l’actualité, en visant le côté humain de la situation.

Si vous avez aimé Goodbye Julia, vous regarderez Timbuktu ou Twist à Bamako.

Bande-annonce

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