Dans Nightmare Alley, Stanton Carlisle est un homme désœuvré qui atterrit dans une foire itinérante. Charismatique, il se lie d’amitié avec la voyante Zeena et sa mari Pete, une ancienne gloire du mentalisme. Initié à cette pratique, Stan ambitionne de voler de ses propres ailes à New York avec Molly, la femme électrique. Sur place, il y fait la connaissance du mystérieux Dr. Lilith Ritter avec laquelle il s’associe. Mais on ne s’attaque pas à l’élite new-yorkaise sans en assumer les conséquences…
Nightmare Alley signe la renaissance de Guillermo Del Toro après une Forme de l’eau qui m’a laissé très mitigé pour ne pas dire dessus. Des personnages charismatiques, un scénario intriguant, une mise en scène presque mystique, le film se regarde encore et encore.
Un film presque mystique
Le film commence avec Stanton « Stan » Carlisle qui semble enterrer un corps dans le sous-sol d’une maison qu’il incendie ensuite. Alors qu’il cherche un sens à sa vie, il atterrit dans la foire de Bruno, où il embauché comme homme à tout faire. Il se rapproche rapidement de Zeena, une voyante spécialiste du tarot et de son compagnon Pete, un homme sympathique mais porté sur la boisson. Petit à petit, Stan trouve sa place au sein de la foire et se rapproche de Pete, qui lui apprend les ficelles du mentalisme. Il se sent également très attiré par Molly, une jeune femme qui résiste au courant électrique.
Un beau jour, le couple décide de quitter la foire et de voler de leurs propres ailes en organisant un numéro de mentalisme à New York. Stan a en effet des rêves de grandeur auprès de l’élite new-yorkaise. Mais un soir, leur numéro dérape lorsqu’ils font la connaissance du Dr. Lilith Ritter, une psychiatre qui semble les avoir percés à jour…
Nightmare Alley est un film en plusieurs couches, qui apporte chacune sa pierre au récit. On commence avec un film mystique et étrange dans la première partie avant d’enchainer avec un triller qui tient en haleine. J’ai presque eu l’impression de voir un film en noir et blanc. Les couleurs sont froides, les acteurs théâtraux. Que se passe-t-il réellement dans ce film ? Pour ajouter à la tension ambiante, le film se déroule au début de la Seconde Guerre Mondiale, à partir de 1939. Hitler avance ses pions en Europe et le monde commence à s’inquiéter. Les personnages vivent donc dans une atmosphère lourde, presque poisseuse. Le danger rode.
Des acteurs habités
Bradley Cooper est fantastique. J’en ai encore des frissons. Son évolution est à la fois particulièrement remarquable et d’une tristesse absolue. Tout d’abord sympathique et serviable, il devient ambitieux et envieux avant de montrer un visage cupide et sans cœur. Plus il s’habille bien, plus il dévoile un visage sombre. Mais c’est sa rencontre avec le Dr. Lilith Ritter qui le fait véritablement basculer dans le mal pur. L’association de ces 2 êtres maléfiques, il n’y a pas d’autre mot, est terrifiante. C’est comme si l’un s’appuyait sur l’autre pour confirmer et augmenter sa monstruosité. Il y a un groupe de hip-hop composé de Royce da 5’9″ et d’Eminem qui porte le nom de Bad meets Evil. C’est exactement ce qui se passe avec Stan et Lilith.
Stan est devenu exactement ce que Pete craignait. Un homme qui utilise la souffrance des gens pour s’enrichir. Il se sert de ses capacités de mentaliste pour leur faire croire qu’il est en contact avec les défunts. Ils sont de ce fait prêts à le payer très cher pour avoir un dernier contact avec l’être aimé disparu. Molly, excellente Rooney Mara, n’est pas l’être faible qu’elle semble être. Bien au contraire, c’est une femme forte qui sait ce qu’elle veut. Elle aime Stan mais ne supporte pas qu’il exploite la souffrance de ses pauvres gens. Elle se sent donc tiraillée entre ses sentiments pour cet homme et ses principes. J’ai beaucoup aimé le fait que le réalisateur n’en ait pas fait un simple faire-valoir pour Stan. Elle possède sa propre personnalité et même si l’on ne connait pas son histoire, c’est une femme forte.
Je suis une fan du personnage de Clem, interprété par le toujours formidable Willem Dafoe. Dérangeant, malhonnête, monstrueux, il exploite la misère humaine à ses propres fins. Son seul but est la pérennité de son spectacle. Quant au Dr. Lilith Ritter (extraordinaire Cate Blanchett), c’est le mal absolu. Tour à tour séductrice et manipulatrice, elle parait poursuivre un but inavoué. C’est une femme d’une beauté glaciale à la voix rauque.
Qui manipule qui ?
Plus le film avance, plus la question se pose. Qui manipule qui ? Stan est-il vraiment en charge ? Ou Lilith est-elle la véritable maitresse du jeu ? Je ne pensais pas que cela pouvait être possible, mais vers la fin, j’ai presque (presque) éprouvé de la compassion pour Stan, cet homme cupide qui désirait désespérément occuper une place qui n’a jamais été la sienne.
La mise en scène de Nightmare Alley souligne l’aspect mystique et mystérieux du film. On attend qu’il se passe quelque-chose. On ne sait pas quoi. Mais il va se passer quelque-chose. La chute de Stan parait inéluctable. Guillermo Del Toro nous raconte le quotidien de ces être étranges qui vivent dans une foire. Mi-hommes mi-bêtes, mi-hommes mi-monstres, ils sont unis pas une même volonté de mener une vie normale. Car tout n’est qu’illusion. Il s’agit de faire rêver le spectateur, de lui vendre du rêve et de l’émotion. Lorsque l’on se rend dans ce type de lieu, on recherche du mystique, voire du surnaturel. Les forains ont donc appris à s’adapter à la demande. Cette dernière partie m’a d’ailleurs rappelé la série La Caravane de l’étrange. Tout est très bien expliqué et illustré dans le film, adapté d’une nouvelle éponyme de William Lindsay Gresham. Guillermo Del Toro nous démontre une fois encore son amour pour les monstres, qu’il traite avec une certaine tendresse. Mais il nous pose la question : Qui sont vraiment les monstres de l’histoire ?
Nightmare Alley illustre l’histoire d’un homme aux rêves de grandeur bien trop gros pour sa petite personne.
Si vous avez aimé Nightmare Alley, je vous conseille de regarder la série La Caravane de l’étrange.
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