Femme noire bercée à la pop culture, Jennifer Padjemi parle de son expérience et tente de comprendre à quoi correspond les différentes versions du féminisme d’aujourd’hui. Entre exploration de la pop musique, découverte du mouvement #MeToo ou analyse des séries TV, elle nous fait plonger dans l’étrange alliance entre la pop culture et les féminismes.
Auteur : Jennifer Padjemi
Date publication : 2021
Éditeur : Stock
Féminismes & Pop culture est un ouvrage très instructif qui nous plonge au cœur de la représentation des femmes et des minorités dans la pop culture. Jennifer Padjemi s’inspire de son vécu en tant que femme noire et de sa passion pour la pop culture pour nous livrer son opinion sur le sujet. L’ouvrage se divise en deux parties.
Jennifer Padjemi pose le ton dès le départ. Il n’y aurait pas un féminisme mais plusieurs, chacun possèdant sa propre vision des choses et pouvant l’exprimer à sa façon. Je suis 100 % d’accord ! Car il n’existe pas une femme, mais des femmes. Donc je ne vois pas pourquoi on devrait se cantonner à un seul féminisme. Certes, les marques sont et seront toujours promptes à faire de la récupération et surfer sur une vague qui remporte un certain succès afin de se faire bien voir du public. Mais leur approche est superficielle, et elles se contentent généralement de profiter d’un mouvement sans réellement prendre partie ou s’engager avec force et vigueur. Dans le cas du féminisme, les grandes marques de couture font toujours défiler des femmes à taille unique et quelques magazines choisissent des mannequins hors des sentiers battus, mais je ne sens pas un engagement réel de leur part. Elles se contentent de profiter d’un mouvement lancer par d’autres en ajoutant de vagues slogans sur leurs vêtements ou des visages en couverture. C’est bien dommage. Elles pourraient parfaitement en faire plus.
De tout temps, les femmes, plus particulièrement les femmes fortes, éduquées, entreprenantes et surtout femmes de couleurs ont été perçues avec un certain mépris ou condescendance. Nombreuses sont les critiques à l’encontre de Rihanna ou Beyoncé, accusées d’être trop sexy, trop dérangeantes, trop engagées. Elles sont pourtant parfaitement légitimes pour parler de tels sujets en tant que femmes d’affaires noires qui se sont battues pour occuper la place qu’elles occupent. On ne peut ainsi pas parler de pop musique sans parler de Beyoncé et on ne aborder le sujet des sous-vêtements ou de maquillage sans parler de la marque Fenty de Rihanna.
Ces deux femmes ont tout compris et ont décidé de créer leurs propres règles. Avec Fenty, Rihanna a révolutionné tant le monde du maquillage que celui des sous-vêtements en s’adressant à un très large public. Elle a élargi le choix de carnations, notamment pour les fonds de teint, à un niveau jamais proposé par aucune marque. Pour rester dans le coup, les autres marques n’ont pas eu d’autre choix que de suivre son exemple. Idem pour les sous-vêtements. Rihanna a choisi de faire défiler des mannequins de toutes les tailles, toutes les formes et de diverses origines lors de ses défilés Savage Fenty. Ciao les femmes filiformes et interchangeables des défilés Victoria Secret et bonjour aux femmes qui nous ressemblent ! Des femmes avec des formes qui portent des sous-vêtements sexy avec fierté. Exactement ce que demande le peuple !
Beyonce s’est quant à elle politisée. Elle aborde désormais des sujets forts, comme la maternité, le racisme ou le féminisme. Bien sûr la question se pose de savoir si elle y croit réellement ou s’il s’agit d’un coup marketing, mais le fait est qu’elle a utilisé sa notoriété pour populariser ces sujets. Elle vise directement le public noir et afro-américain. Son album Lemonade est ainsi considéré par certain comme son meilleur album, le plus abouti, tant du point de vue artistique que des thèmes dont il est question. C’est en effet la première fois que Beyonce aborde frontalement le sujet du « féminisme noire » et revendique son identité en tant que femme de couleur.
Et que penser de Kim Kardashian et de ses sœurs ? Ne sont-elles qu’un objet de désir ou des femmes qui ont décidé d’utiliser leur sexualité et leur sensualité comme d’un outil de travail ? Après tout chaque clic, chaque commentaire positif posté par les Internautes sur les réseaux sociaux est une goutte de plus qui s’ajoute à leur empire et leur notoriété. Et leur permet de gagner encore plus d’argent. Personnellement, je m’en fiche. Elles font ce qu’elles veulent. Mon seul problème est la contradiction dans le message qu’elles envoient. D’un côté, les sœurs Kardashian passent leur temps à poster des photos d’elles dévêtues, dans des poses suggestives, offrant à des millions de jeunes adolescentes un idéal corporel inaccessible et irréaliste. D’un autre côté, elles se posent en femmes fortes, redoutables femmes d’affaires et fières de leurs familles, qui veulent absolument être prises au sérieux. Elles peuvent parfaitement être les deux, néanmoins les sœurs Kardashian/Jenner imposent un idéal de beauté dans lequel elles sont coincées. Chaque sortie du moule est décriée et fait les choux gras de toute la presse. Les jeunes femmes sont ne sont plus autorisées à être autre chose que les objets de désir et d’envie qu’elles ont-elles-même créée.
Megan Thee Stallion, Cardi B ou Nicki Minaj sont aujourd’hui les reines du hip-hop feminism. Des femmes à la sexualité débridée et assumée qui ont fair de leurs corps un fond de commerce. Leur corps est un outil de travail qu’elles utilisent, combiné à des paroles disons, puissantes. Le tout donne lieu à des clips ultra sexy, qui, à mon humble avis, s’avoisinent parfois à du soft porn. La question est la suivante : où se situe la limite entre la sensualité et la pornographie ? Quand peut-on dire qu’une femme est sexy et quand elle tombe dans la vulgarité ? La frontière devient de plus en plus trouble avec un nombre croissant d’artistes pop qui tombe (avec une certaine facilité) dans le sexe facile. Les chanteuses de nos jours veulent établir leurs propres règles et choisir la façon dont le public va les voir et percevoir. Elles ne veulent plus être simplement ces femmes potiches que l’on voit dans tous les clips de rap. Elles veulent reprendre la narration de leurs histoires et définir leur propre sexualité. Il n’y a rien de mal à ça. Mais y-a-t-il vraiment besoin de se dévêtir ou de danser de manière sexy pour faire passer le message ? Normani avec Wild Side, Dua Lipa avec Love again, Doja Cat avec Streets ou Ariana Grande avec 7 rings. Même Billie Eilish, pourtant réputée pour sa « pudeur », y a succombé avec Lost Cause. Je ne reproche rien à personne mais je suis parfois très mal à l’aise en regardant certains clips vidéo, qui pour certains ne sont clairement pas destinés aux plus jeunes d’entre nous.
Jennifer Padjemi s’interroge également sur le mouvement #MeToo et l’inclusion et la diversification dans les séries et films d’aujourd’hui. Les scénaristes ont été influencés par l’actualité et de nouveaux films et séries, plus féministes, réalistes et inclusives ont fait leur apparition. I May Destroy You, How To Get Away With Murder, Insecure, 13 Reasons why, To All the Boys I’ve Loved Before, Big Little Lies, Lovecraft Country, Fleabag, Killing Eve, etc.… La liste est longue et ne cesse de s’allonger. Hollywood, les sites de streaming (Nteflix en tête) et les producteurs n’ont désormais plus peur de proposer des films avec un casting à dominance noire (Black Panther), asiatique (Crazy Rich Asian) ou féminin (Orange Is The New Black). Certes, tous ces films ne sont pas parfaits, mais ils ont ouvert une porte qu’il sera désormais difficile de refermer, au vu du succès international qu’ils ont remportés. Les studios savent désormais qu’il est possible (et rentable !) d’ouvrir les portes des castings aux femmes, aux transgenres, aux homosexuels, aux asiatiques, aux afro-américains… Tout le monde peut avoir sa chance ! Néanmoins, la route est encore longue pour que tous les acteurs, reflets de la société, trouvent leur place dans les films et séries.
Dans une deuxième partie, Jennifer Padjemi nous fait part de ses pensées sur le body shaming. Beaucoup de gens se voient aujourd’hui à travers le regard des autres. L’arrivée des réseaux sociaux a empiré les choses, avec l’utilisation de filtres et autres effets. Désormais, on ne sait plus vraiment à quoi ressemble les personnalités ou soi-disant influenceurs qui cherchent à nous attirer à coup de photos racoleuses et alléchantes. Ventres plats, poitrines bombées, abdos à l’infini, le corps s’est transformé jusqu’à devenir un objet de convoitise. Et de dégoût. Aujourd’hui, on est moqués pour le moindre bourrelet, la mauvaise coupe de cheveux ou même sans raison. La haine de l’autre et du corps de l’autre est terrible. Je suis bien contente d’avoir quitté l’école avant l’arrivée des réseaux sociaux. La vie d’un collégien, lycéen ou étudiante doit vraiment être terrifiante en 2021.
Encore une fois, la famille Kardashian/Jenner est mise en avant. Pendant des années, des millions de personnes ont suivi les aventures de L’incroyable Famille Kardashian et plus particulièrement leurs évolutions physiques. Le résultat, en 2021, est effarant. Nous sommes loin de l’innocence et de la pureté des débuts. Au fil du temps, les opérations de chirurgies esthétiques (plus ou moins avouées) et les régimes ont transformé les femmes de la famille en une sorte de parodie d’elles-mêmes. Leurs visages sont désormais tellement figés qu’elles ont dû mal à exprimer des émotions. Leurs ventres sont plats, leurs poitrines et fesses énormes tandis que leurs visages sont exempts de la moindre ride, même d’expressions. Des milliers de jeunes filles veulent désormais leur ressembler, et sont prêtes à débourser des sommes énormes pour acheter leurs produits estampiller SKIMS (Kim), Kylie Cosmetics (Kylie), Good American (Khloé)…
L’ouvrage propose ainsi de nombreuses pistes de pensées intéressantes. Une femme est-elle moins féministe si elle porte des tenues sexy ou danse de manière provocante ou est-elle juste un énième fantasme sexuel ? Peut-on se déclarer féministe simplement en portant un tee-shirt qui le proclame ? Les séries comme Grey’s Anatomy ou Ally McBeal sont-elles des séries féministes ou qui font avancer la cause des femmes ? Qu’en est-il du sujet de la santé mentale des femmes, notamment des femmes noires ? Quelle place donne-t-on aux transgenres dans la pop culture ?
Dans Féminismes & Pop culture, Jennifer Padjemi fait un très bon travail en abordant toutes sortes de sujets qui ouvrent la porte au dialogue.
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