La saison des cerisiers en fleur raconte l’histoire de deux familles et de leurs descendant(e)s sur plusieurs générations. Le fils aîné de la famille Miwa, des notables, épouse Ayako, la fille des Shirai, une famille plus modeste. Alors que les familles s’agrandissent, la société et l’histoire japonaises sont bouleversées par des événements qui vont changer à jamais des traditions séculaires.
Titre original : Fish of the seto inland sea
Auteur : Ruriko Pilgrim
Date publication : 1999
Éditeur : J’ai lu
Protagonistes principaux : Kei, Ayako, Haruko, Nozomi
Les Miwa sont une famille de notables, réputés et appréciés dans toute la région. Lorsque vient le moment de marier leur fils aîné, Shintaro, ils choisissent Ayako, la ravissante fille de la famille Shirai. C’est l’époque où les parents ont encore un droit de regard sur les relations de leurs enfants. Les mères effectuent des recherches de leur côté ou font appel à des entremetteuses, qui leur font connaitre les meilleurs partis selon des critères bien précis. Il est impensable qu’un notable épouse une fille de fermier par exemple. L’apparence physique et la place au sein de la société sont primordiales dans le choix du futur conjoint. Leur choix se porte donc sur la famille Shirai, dont le patriarche est un médecin de campagne respecté. Ils ne sont pas pauvres, même s’ils n’appartiennent pas à la classe sociale la plus haute.
La saison des cerisiers en fleur est un récit qui se déroule sur plusieurs décennies. Il commence avec Ayako et Shintaro, qui, après leur mariage, fondent leur propre famille. Ils vivent heureux pendant un temps, avant qu’un triste événement ne vienne briser la routine maritale. Ayako est une jeune femme qui vit selon les anciennes traditions japonaises qui veut que la femme doive tout faire pour le bien-être de son mari. Elle est chargée de la tenue de la maison et de l’éducation des enfants. Elle doit également trouver le meilleur mari ou la meilleure femme pour les enfants. Les femmes japonaises sont des femmes au foyer. Rôle qu’Ayako effectue avec brio.
Sa deuxième fille, Haruko, devient ensuite l’héroïne du récit. Après son mariage, elle quitte la maison et fonde à son tour sa propre famille. Alors qu’elle ambitionnait de devenir médecin comme son grand-père et comme son père, on lui fait comprendre qu’elle n’est qu’une fille. Pourquoi avoir de tels rêves alors qu’elle pourrait être heureuse avec un mari et des enfants ? Quelques années après son mariage, elle part avec ses filles pour la Mandchourie, à cette époque occupée par le Japon, afin de rejoindre son mari, un ingénieur, qui y a trouvé une opportunité de travail. Sur place, elle mène une vie très aisée, avec des domestiques. Elle fait le tour des grands magasins, achète des produits occidentaux pour elle et ses filles et fait l’achat des plus beaux kimonos. On ne peut rêver mieux comme vie.
Mais tout s’effondre lorsqu’éclate la Seconde Guerre Mondiale. Le Japon attaque la base américaine de Pearl Harbor et entre en guerre contre les Américains. Les troupes japonaises sont d’abord victorieuses. La presse et les autorités militaires font l’apologie des forces militaires, en racontant que la victoire finale était à portée de main. La population croit ce qu’on leur dit. Ils n’ont aucune raison de douter. D’autant plus qu’ils n’ont pas accès à la presse internationale. Leur seule source d’information est le gouvernement, l’armée japonaise et l’Empereur.
Dans La saison des cerisiers en fleur, nous vivons la guerre du point de vue des Japonais. Haruko, habituée à vivre dans le luxe et l’opulence, doit désormais faire attention à tout. En tant que Japonais, sa famille et elle sont ciblés par les Chinois, mécontents de l’occupation japonaise. Leur maison est pillée, les denrées alimentaires sont rares, il faut tout économiser car ils ne savent pas quand ils pourront faire un autre repas. La situation est la même au Japon, où ils retournent dès que possible. Ils ne vivent plus, ils survivent au jour le jour. Autrefois nantis, ils ne leur restent plus que leur prestige. Sans les moyens financiers.
J’ai beaucoup aimé découvrir l’évolution des mœurs japonaises. Les mariages arrangés, le choix et le port du kimono, le statut de la femme, tout a changé avec la guerre. Les femmes sont devenues incontournables dans la société. Alors que tout est rationné, ce sont elles qui recherchent les produits pour nourrir leurs familles. Elles échangent, vendent, farfouillent. Les femmes deviennent véritablement la colonne vertébrale de la famille et de la société. Le mariage arrangé perd de son importance. Le port du kimono est abandonné au profit des vêtements occidentaux. Il faut changer pour survivre. Haruko se rend compte qu’en tant que simple femme au foyer, elle n’a aucune compétence car elle n’a jamais fait d’études supérieures. Au moment de chercher du travail pour mettre du riz sur la table, elle se rend compte qu’elle ne sait rien faire par rapport à d’autres. C’est un choc. Elle regrette terriblement d’avoir dû abandonner ses études. Car rien ne l’a préparé à vivre et survivre pendant la guerre.
La saison des cerisiers en fleur est un excellent roman de l’anthropologue Ruriko Pilgrim, qui s’est inspirée de la vie de sa mère. Nous vivons les histoires de ces femmes de l’intérieur, avec leurs propres mots et leurs propres mots. Une œuvre des plus intéressantes.