Fin de la Seconde Guerre Mondiale. Alors que les troupes japonaises lancent toutes leurs forces dans le combat, le Major Taniguchi recrute de jeunes soldates afin de les former à la Guerre secrète. Le jeune Hiroo Onoda est ainsi envoyé sur l’île de Lubang aux Philippines pour mener le combat. Pour le Japon, la guerre prendra fin en 1945. Pour Onoda, elle s’achèvera en 1974.
Arthur Harari réalise ici une œuvre majeure, qui nous plonge au cœur de l’esprit de soldats japonais patriotiques. Pour eux la guerre est plus qu’une guerre, c’est un état d’esprit auquel ils sont prêts à se vouer corps et âme. Sans la moindre hésitation. Onoda, 10 000 nuits dans la jungle est, je n’ai pas peur de le dire, un chef-d’œuvre.
Une histoire incroyable
Onoda, 10 000 nuits dans la jungle commence et se termine avec un gros plan sur le visage du soldat Onoda. Car il s’agit d’un biopic qui ne dit pas son nom. Alors jeune soldat, Onoda est remarqué pour une particularité : il souhaitait devenir pilote mais en raison de son vertige, le commandement l’a recalé. De plus, il n’était pas prêt à mourir lors d’une opération suicide comme les autres kamikazes. Ces soldats qui écrasaient leurs avions sur les flottes américaines. C’est cette mentalité qui a attiré l’œil du mystérieux Major Taniguchi, un homme en charge de l’organisation d’une Guerre secrète. Le but ? Survivre à tout prix afin de mener la lutter contre les soldats américains.
Dépêché sur l’île de Lubang, Onoda cherche à prendre le commandement des troupes japonaises déjà sur place pour contrer les rebelles philippins, les Donkos et les Américains. Mais d’un seul coup, les bombardements pleuvent et les soldats japonais doivent se replier dans les terres. Vient alors le temps des décisions : poursuivre le combat ou chercher à s’enfuir de l’île ? La vie de ceux qui ont décidé de rester va être bouleversé à jamais…
Un patriotisme aveugle
Onoda, 10 000 nuits dans la jungle est un film incroyablement touchant et dur à la fois. Il se concentre sur le soldat Onoda, un homme prêt à tout pour son pays. Sauf à mourir pour lui. J’ai été effarée par le patriotisme aveugle dont font preuve les soldats japonais. Certains sont prêts à écraser leur avion sur les bateaux américains. Quand d’autres sont prêts sont prêts à mener la lutte sans fin. Le soldat Onoda a été conditionné pour se battre contre les ennemis. Quels qu’ils soient. Il est conditionné pour se battre. Ce conditionnement est devenu un mode de vie et de pensée. Il est prêt à tout pour parvenir à ses fins. La victoire de l’Empire.
L’une des forces du film d’Arthur Harari (également réalisateur du magnifique Victoria), est sa temporalité. Ponctuellement, nous voyons passer le temps et comprenons qu’il se passe quelque-chose. Comment Onoda et ses hommes peuvent-ils poursuivre le combat en 1950, 1960 ou encore 1970 alors que nous, spectateurs savons que la guerre est déjà finie ? Le décalage est énorme entre ce que nous savons et ce que Onoda ignore. Il s’accroche à ce qu’il a appris. On va venir le chercher. Ses supérieurs vont venir le récupérer sur l’île et tous célèbrerons la victoire du Japon.
Ce que j’ai trouvé étonnant c’est qu’à trois reprises, on lui dit explicitement que la guerre est terminée mais qu’il refuse absolument d’y croire. Il perd ses hommes petits à petit, il en souffre, mais il ne peut se résoudre à abandonner sa mission. Dans une scène surréaliste, lui et son compagnon d’armes Kozuka entendent l’un de leurs anciens camarades leur annoncer la fin du conflit. Son père et son frère sont également présents, le premier lui lisant même un poème. Ne voulant pas se dévoiler, ils attendent la tombée de la nuit pour aller récupérer la radio, les journaux et les magazines laissés sur place.
En lisant et en écoutant les nouvelles, ils découvrent que le Japon s’est américanisé après sa défaite et sa reddition. D’abord incrédules, ils finissent par se persuader qu’il s’agit d’une manipulation pour les obliger à cesser le combat. Et que le poème contient un message caché. Les bras m’en sont tombés. Ils se retournent littéralement l’esprit pour voir des signes là où il n’y en a pas. Tout les prétextes sont bons pour trouver une raison ou une nouvelle motivation pour continuer à se battre. C’est juste surréaliste.
Un très beau film contemplatif
Il est vraiment incroyable de penser qu’ils ont écouté en direct à l’arrivée de Neil Armstrong sur la Lune. Atterrir sur la Lune ? Ils n’ont aucun problème à y croire. Mais la défaite du Japon ? C’est inenvisageable. Le lavage de cerveau qu’Onoda a subi est tout simplement hallucinant. Vous avez d’un côté un homme qui prend les ordres un peu trop au pied de la lettre. Et de l’autre un État qui exige le sacrifice suprême de la part de ses hommes. La fusion de ces deux a donné naissance à la situation dans laquelle se trouve Onoda. Il aurait pu partir à tout moment, il aurait pu se renseigner à tout moment, mais il ne l’a jamais fait. Il ne s’est jamais réellement interrogé sur le bien-fondé de la poursuite de sa mission alors que la guerre était finie.
La tension monte alors qu’il s’agit d’un film contemplatif, l’un de mes genres préférés. Les moments d’action alternent avec les moments de calme. Il faut attendre et poursuivre le combat. L’histoire est d’autant plus incroyable qu’elle est inspirée de faits réels. Cet homme a réellement existé et s’est acharné à mener une lutte contre des ennemis qui n’en étaient plus. L’un des soldats d’Onoda s’interroge d’ailleurs : où sont les ennemis ? Pourquoi ne les voient-ils plus ? Comment alors justifier les meurtres des habitants et vols des cultures si la guerre est bien finie ?
De magnifiques acteurs
Les acteurs sont majestueux. Comme l’histoire se déroule sur près de 30 ans, deux acteurs se partagent le rôle d’Onoda et de Kozuka. Leur alchimie est parfaite. Ils se complètent l’un et l’autre. Le leader et son second, liés par une volonté de se battre pour leur pays. Ce sont vraiment des acteurs incroyables. La mise en scène est également réussie, ponctuée par les moussons régulières qui les obligent à construire un abri. Le récit se déroule essentiellement dans la forêt, dans laquelle ils vivent comme des Robinson, de petits larcins et de fruits et légumes cueillis dans la nature. J’ai beaucoup aimé ces scènes dans la forêt, qui offrent des moments paisibles dans une situation qui ne l’est absolument pas.
Je ne regrette pas d’avoir vu Onoda, 10 000 nuits dans la jungle lors d’une ressortie en salles, en dépit de sa durée (2h47 quand même !). Le film m’a tenu en haleine tout du long, même si j’ai senti quelques longueurs ici et là. On ne peut s’empêcher d’être pris aux tripes par l’histoire de ce soldat décider à mener la lutte jusqu’au bout.
Bande-annonce
Si vous avez aimé Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, vous allez apprécier Seul au monde, Seul sur mars ou Le tombeau des lucioles.
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