2012. Sixtine est une jeune catholique de bonne famille qui suit sa destinée avec diligence. Elle épouse un bon catholique, devient une bonne épouse, puis tombe enceinte. Mais son univers parfaitement calibré se fissure et explose. Pour la première fois de sa vie, Sixtine va devoir prendre son destin en main. Y parviendra-t-elle ?
Titre original : Bénie soit Sixtine
Auteur : Maylis Adhémar
Date publication : 2020
Éditeur : Julliard
Protagonistes principaux : Sixtine Duchamp, Muriel et Bruno Duchamp, Pierre-Louis Sue de la Garde, Madeleine Sue de la Garde
En épousant le très respectable Pierre-Louis Sue de la Garde, Sixtine a fait son devoir. Elle a également fait le bonheur de sa famille, surtout de sa mère, une catholique très pratiquante. Les quelques doutes qu’avaient sa future belle-mère, Madeleine Sue de la Garde, sur le pédigrée de la famille se sont éteints lorsqu’elle a appris que l’une des filles de la famille n’était autre que la vénérable Sœur Thérèse de Jésus. On ne peut pas faire mieux.
Autrefois jeune fille insouciante, mais pieuse, Sixtine est désormais une épouse dévouée corps et âme à son mari et à sa foi. Bientôt, elle devra enfanter, et comme sa belle-mère (cinq garçons et trois filles au compteur !), enfanter en nombre. Les jours passent et se ressemblent entre la préparation des petits repas pour son mari, les réunions avec les copines catholiques et les passages à l’église pour les (longues) prières à genoux. L’avenir de Sixtine est tout tracé. Est-ce bien sûr ?
Dès le départ, Sixtine se pose beaucoup de questions. Sur son mariage. Sur sa foi. Sur sa belle-famille. Mais elle n’agit jamais. Dieu doit avoir ses raisons de lui imposer toutes ces épreuves. Comme sa nuit de noce, qu’elle vit comme un véritable calvaire. Pourtant, lorsqu’elle en parle autour d’elle, on lui répond que le devoir de la femme est d’obéir à son mari, le seul qui doit ressentir du plaisir à l’acte de procréation. A quelle époque sommes-nous ? 2012 ? Ah bon. Ah bon !!!
Au fur et à mesure du roman, les doutes et interrogations de Sixtine augmentent. Sa grossesse n’est pas le moment de joie qu’elle espérait. Elle se sent grosse. Maladroite. Mal à l’aise. Mais ni Pierre-Louis, ni sa belle-famille ne prennent ses doutes ou ses angoisses au sérieux. Bien au contraire. Madeleine lui explique que son rôle, c’est d’enfanter. Et dans la douleur, comme toute bonne catholique. C’en est trop, les doutes de la jeune femme la submergent, n’est pas une réussite. Le malaise est tel que Sixtine finit par percevoir son enfant comme un étranger, un parasite qui s’en installé en elle. Elle n’a plus qu’une seule envie. Accoucher. Expulser cet étranger qui lui gâche la vie. Jusqu’à ce que l’impensable se produise. Un évènement tellement irréel qu’il va en bouleverser sa vie à jamais.
J’ai dévoré Bénie soit Sixtine. Pour un œil extérieur, les signes d’extrémismes sont évidents. Les nombreuses prières. La soumission de la femme. Les non-dits. Mais pour Sixtine qui a vécu toute sa vie dans ce milieu, les choses sont différentes. Elle n’a pas le recul nécessaire pour avoir un plan d’ensemble de la situation. Sixtine a grandi dans un entourage dans lequel l’étranger est l’autre : l’homosexuel, le modéré, l’immigré, le militant d’extrême-gauche… Tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule observé par les Frères de la Croix sont une menace pour la société. Sixtine ne s’est jamais posée de question jusqu’au jour où elle a dû faire des choix et prendre ses propres décisions. Que choisira-t-elle alors ? Suivre la doctrine catholique qu’elle a toujours suivie ou tracer sa propre route, quitte à faire des erreurs en chemin ? La décision est terrifiante à prendre pour une femme qui n’a jamais vraiment eu de libre arbitre.
Bénie soit Sixtine est le premier roman d’Adhémar Maylis. J’ai beaucoup de mal à croire qu’il s’agissait d’une première œuvre, inspirée de sa propre histoire. L’auteure nous décrit avec forces détails les tourments d’une jeune femme qui vit pour la première fois. Elle nous fait vivre chaque pensée, chaque émotion, chaque interrogation de Sixtine. J’ai presque eu l’impression de ressentir la douleur de Sixtine, ce petit bout de femme qui va faire preuve d’une force extraordinaire pour se créer sa propre destinée. Mais plus elle cherche à s’éloigner de ce milieu psychorigide, plus elle se demande si elle a pris la bonne décision. Serait-ce une épreuve que Dieu lui impose afin de tester sa foi ? Ou est-elle tout simplement en train de faire l’expérience de la vie hors du cocon familial ?
Vous avez aimé Bénie soit Sixtine d’Adhémar Maylis ? Je vous conseille de lire Le consentement de Vanessa Spingora.
Pingback: Bilan : la culture en 2021 Les toiles de la culture - Les aventures d'une chercheuse d'histoires
Pingback: L’amour et les forêts, dans l’engrenage des violences conjugales Les toiles de la culture - Les aventures d'une chercheuse d'histoires
Pingback: Le consentement de Vanessa Springora Les toiles de la culture - Les aventures d'une chercheuse d'histoires