Dans le monde du cinéma comme dans bien d’autres secteurs, les femmes doivent se battre pour trouver leur place. Jane Campion, Agnès Varda, Ava Duvernay, toutes ont prouvé qu’elles avaient du talent et ont ouvert la voie à de jeunes réalisatrices, désireuses à leur tour de dévoiler leurs projets. Retour sur 10 films réalisés par des 10 femmes. Liste tout à fait subjective bien sûr.

Pourquoi ? Parce que je ne parle pas des meilleurs films réalisés par des femmes, je n’aborde pas le sujet des films les plus connus ou incontournables. Je parle simplement de films qui m’ont touché pour leur fraîcheur, leur sincérité, leur intention, leur originalité…

Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma

Nous sommes en 1770. Marianne est une jeune peintre engagée pour réaliser le portrait de mariage d’Héloïse. Mais la jeune fille refuse son destin de femme mariée et refuse de se laisser peindre. Marianne se fait alors passer pour sa dame de compagnie. Une relation se développe alors entre les deux femmes, pleine de désir et d’interdits.

Céline Sciamma réalise une œuvre magnifique, à la mise en scène sublime. On ne se lasse pas de contempler l’amour naissant entre ces deux jeunes femmes, qui bourgeonne dans un décor dans plus marquants. Quand on les regarde se balader sur le bord de mer et s’observer au-dessus des flammes, on comprend tout de suite pourquoi Claire Mathon a remporté le César 2020 de la meilleure photographie. Chaque scène semble en effet être pensée comme une photographie. Portrait de la jeune fille en feu est le récit de deux jeunes femmes, interprétées par Adèle Haenel et Noémie Merlant, qui cherchent à s’apprivoiser dans une société pleine de tabous et de non-dits.

I am not a witch, Rungano Nyoni

En Zambie, la petite Shula, 9 ans, est accusée de sorcellerie le jour où une villageoise tombe avec son seau d’eau à son passage. Pour se débarrasser d’elle, les habitants du village l’envoient dans un camp de sorcières où vivent d’autres petites filles accusées comme elle de sorcellerie. Toutes sont attachées par un ruban blanc dans le dos. Si elles tentent de s’enfuir, elles se transformeront en chèvre. Shula se croit victime d’un sortilège et doit décider de son destin : être libre comme un chèvre ou prisonnière comme une sorcière ?

I am not a witch retrace le parcours d’une petite fille considérée comme une sorcière sans raison. Ostracisée, son destin ne lui appartient plus, comme d’autres petites filles dont on semble vouloir se débarrasser. Rungano Nyoni met en lumière une pratique en cours, notamment dans plusieurs pays africains (Zambie, Kenya ou Ghana), qui consiste à mettre à l’écart des femmes de tous âges car considérées comme des sorcières. Ces femmes seraient de mauvais augure : elle provoquerait des décès, ne pourraient pas enfanter de garçon, apporteraient le malheur sur les familles. Être à leur contact apporterait malchance et malheur. D’où une volonté viscérale de les isoler. Mais la réalité est plus prosaïque. Jalousie ou vengeance sont les principales raisons de l’isolement de ces femmes. Dans ce film presque documentaire, Rungano Nyoni nous emmène dans l’esprit de Shula.

A girl walks alone at night, Ana Lily Amirpour

A Bad City règne une atmosphère étrange. Les habitants tentent de vivre et survivre dans cette ville fantôme sans se douter qu’un vampire rôde. Cette âme solitaire erre dans les rues de la ville, à la recherche d’on ne sait quoi, on ne sait qui.

Wow. A girl walks alone at night est un film visuellement marquant. Il est tourné en noir et blanc, ce qui lui donne une atmosphère presque érotique. On suit ce vampire, interprété avec brio par Sheila Vand, qui déambule de nuit dans les rues d’une ville déserte. Qui est-elle ? Elle n’a pas de nom ? Que veut-elle ? Elle ne s’explique pas. Et ce n’est pas grave tant A girl walks alone at night se suffit à lui-même. Ana Lily Amirpour nous offre un très beau film sur le désir, avec des gros plans sur les visages des personnages, dont l’expressivité compense la rareté des dialogues. Un film qui reste dans les esprits.

Mister Babadook, Jennifer Kent

A la mort de son mari, Amelia est confrontée à plusieurs difficultés. En plus de faire son deuil, elle doit gérer son jeune fils de 6 ans, Samuel, qui devient incontrôlable. Celui-ci est persuadé que la créature d’un de ses livres est réelle, et qu’elle s’est installée dans leur maison. Alors qu’Amelia décide de faire soigner son fils, elle se rend compte que la créature pourrait bien être plus réelle qu’elle ne le pensait.

Jennifer Kent nous offre une œuvre d’une densité rare avec des acteurs de talent. Essie Davis est une mère courage prête à tout pour sauver son fils, interprété par le jeune Noah Wiseman. Mister Babadook est plus qu’un film d’horreur. C’est l’histoire d’une famille qui doit apprendre à faire son deuil et vivre sans un être aimé. Mais pour ce faire, ils doivent se faire confiance l’un l’autre et choisir d’aller de l’avant afin de lutter contre Mister Babadook, le monstre du livre de Samuel.

Vers la lumière, Naomi Kawase

Misako est audiodescriptrice. Son travail consiste à retranscrire les films afin de les rendre accessible aux personnes mal voyantes et non voyantes. Un jour, lors d’une réunion, elle fait la connaissance de Nakamori, un photographe qui perd progressivement la vue. Entre les deux va se développer une relation inattendue.

Vers la lumière est un film visuel. Il nous raconte la lente perte de vision de Nakamori, un photographe qui doit s’habituer à ne plus exercer un métier qu’il adore. Lorsqu’il rencontre Misako, les deux être se lient d’amitié avant que leur relation n’évolue en quelque-chose de plus profond. Naomi Kawase, réalisatrice japonaise, nous fait vivre la dégradation visuelle du photographe, on voit ce qu’il voit et on souffre avec lui. Alors qu’il pense avoir tout perdu, sa relation avec Misako lui fait comprendre que la perte de sa vue ne signifie pas la fin de sa vie. Bien au contraire.

Selma, Ava DuVernay

Mars 1965. Quelques mois après avoir reçu le Prix Nobel de la paix, Martin Luther King organise une grande marche au départ de Selma en Alabama. Son objectif est simple, obliger le président Lyndon B. Johnson à légiférer afin d’assurer le droit de vote aux Afro-Américains dans les États du Sud. Ces derniers ne peuvent en effet pas voter alors qu’ils en ont le droit.

Ava DuVernay est réputée pour ses œuvres engagées et souvent historiques. Elle met en effet en lumière des évènements de l’histoire des Afro-Américains afin de les faire connaitre au plus grand nombre et sin nécessaire de rétablir des vérités historiques comme avec Dans leur regard (When They See Us). Dans Selma, elle retrace la marche de Martin Luther King et ses compagnons de Selma à Montgomery, dans leur combat pour la lutte des droits civiques. Entre moments de violence et instants de camaraderie, cette marche a représenté un point tournant dans l’histoire des Afro-Américains et des États-Unis.

Victoria, Justine Triet

Victoria Spick est une avocate pénaliste à la vie sentimentale inexistante. Lors d’un mariage, elle retrouve deux anciennes connaissances, Vincent et Sam. Mais quand Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa campagne, elle accepte contre son grès de le défendre alors que l’affaire parait désespérée. Pour prendre soin de sa fille pendant qu’elle travaille, elle a recours aux services de Sam, homme au pair. Victoria va alors se retrouver confronter à une série de mésaventures, toutes plus tortueuses les unes que les autres.

Virginie Efira est flamboyante dans ce film qu’elle porte littéralement sur ces épaules. On ne voit qu’elle, cette avocate qui peu à peu perd pied, tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Vincent Lacoste est tout aussi fantastique, parfait contrepoids à cette femme dont la vie s’effondre. Justine Triet nous offre un magnifique portrait de femme, très réaliste et touchant à la fois.

Persepolis, Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

Téhéran 1978. Marjane, huit ans, vit dans une famille moderne et cultivée. Elle danse, chante et passe du temps avec sa grand-mère qu’elle adore. Mais la révolution iranienne passe par là, et la petite fille voit ses libertés disparaître une à une. Elle doit bientôt porter le voile et renoncer à toutes ses joies qui illuminent son existence. En grandissant, elle voit son pays, l’Iran, se transformer et tomber sous le joug des religieux qui imposent leur loi.

Persepolis est un film d’animation directement inspirée de la vie de Marjane Satrapi, adapté de la bande-dessinée autobiographique du même nom. Véritable succès, le film a été primé à Cannes et aux Césars et nommé à l’Oscar du Meilleur film d’animation. Les réalisateurs utilisent l’humour et l’autodérision pour parler d’une situation difficile qui a impacté toute la population iranienne. Les habitants ont en effet fini par se trouver étranger en leur propre pays, dépouillés de leurs droits les plus élémentaires et contraints de s’adapter à une nouvelle vie plus religieuse.

Du vent dans mes mollets, Carine Tardieu

Rachel Goldstein, 9 ans, vit étouffée entre une mère névrosée et surprotectrice et un père apathique qui ne s’oppose jamais à sa femme. Sa vie bascule du tout au tout le jour où elle fait la connaissance d’une nouvelle camarade de classe, Valérie. Les deux petites filles vont se lier d’amitié et se lancer dans de formidables aventures.

Juliette Gombert et Anna Lemarchand partagent une incroyable alchimie. Les deux petites filles font tout ce que font les enfants de leur âge et Carine Tardieu fait preuve d’un incroyable talent en réalisant un film à hauteur d’enfants. Car les deux héroïnes sont ces deux petites filles, qui ne veulent rien d’autre que de vivre de belles aventures. Du vent dans mes mollets est un film bien plus profond qu’il n’y parait et qui aborde avec tact et délicatesse des sujets difficiles sans lourdeur.

Monster, Patty Jenkins

Aileen est une jeune femme au passé dramatique qui vit au jour le jour. Elle fait la connaissance de Selby, une jeune femme fragile avec laquelle elle entretient une liaison amoureuse. Aileen entretient le couple en se prostituant.  Mais un jour, elle tue un client qui tente de l’agresser. Puis poursuit son aventure meurtrière en s’attaquant à d’autres hommes.

Patty Jenkins retrace l’histoire vraie de Aileen Carol Wuornos, une femme tueuse en série coupable de la mort d’au moins sept hommes. Cette femme abusée sexuellement dans son enfance et vivant grâce à la prostitution a été condamnée à mort par injection létale. Patty Jenkins parvient néanmoins à nous faire ressentir de la compassion pour cette femme meurtrie par la vie, qui n’a jamais réussi à s’en sortir. Charlize Theron réalise une interprétation extraordinaire, d’ailleurs récompensée par un Oscar et un Golden Globe de la Meilleure actrice.

Et la liste est encore longue !! Et le nombre de films réalisés par des femmes prend de l’importance, dans le monde entier. Avec des sujets divers et variés et une exposition médiatique en augmentation. Pourvu que cela dure…

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